En Pologne, le sans-abrisme reste un problème social sérieux. Des dizaines de milliers de personnes souffrent d’exclusion sociale lorsqu’elles se retrouvent sans abri. À la Bonne Fabrique, nous pensons que toute personne profondément blessée, pathologiquement et faible, a une dignité inaliénable, a une dignité inaliénable pour laquelle il faut se battre et qui exige le respect.
06.11.2024
« C’était un personnage extraordinaire. Il était commandant au château royal. Un homme merveilleux », se souvient Mirek.
Stanisław n’a pas vécu assez longtemps pour voir des jours meilleurs. Son rêve de quitter enfin l’enfer du sans-abrisme ne s’est jamais réalisé. Il est décédé il y a deux jours dans un bâtiment abandonné de la rue Burakowska.
« Quand il a demandé de l’eau au lieu du thé, j’ai su que c’était mauvais. Le matin, il était étendu, raide et gelé. Et nous, comme des morts-vivants, nous continuons à errer. »
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« Je veux tout changer. »
« Par où vas-tu commencer ? »
« J’ai acheté de la teinture pour cheveux. C’est par là que je vais commencer. »
Kasia n’est pas en colère contre le monde. Elle est furieuse contre elle-même. Elle vendait des costumes, postait des selfies sur Facebook, les hommes étaient attirés par elle. Lorsque son petit ami est parti, elle est tombée amoureuse de l’alcool. Son nouvel amant s’est vite révélé être un monstre, un monstre qui refuse de la laisser se calmer. Elle a fini par être abandonnée, avec son passé et ses rêves. Aujourd’hui, elle reste parfois avec son père alcoolique. Mais quand il fait une crise, elle se cache ici, dans un entrepôt abandonné, avec d’autres âmes brisées.
« Ils boivent aussi. Mais au moins, ils ne me frappent pas. »
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« Les étrangers ne te feront jamais de mal comme le font les membres de ma famille. J’ai une femme et des enfants, mais ils ont continué leur vie. Je ne suis plus à ma place. Ils vivent à quelques mètres de chez moi, dans un appartement chaleureux. »
« De quoi rêves-tu ? »
« Je veux être là… »
La voix de Sławek tremble. Des larmes coulent sur son visage, gravé de rides et de cicatrices dues à une vie cruelle. Il boit parce que l’alcool atténue la douleur. La sobriété ramène le désir, la conscience des occasions manquées – des fardeaux trop lourds à porter aujourd’hui.
Être sans-abri n’est pas un choix. C’est un désir d’amour. Un trou béant rempli de douleur, d’impuissance et d’alcool. Des histoires humaines brisées se dévoilent dans l’ombre de bâtiments de luxe étincelants. L’hiver apporte de nouveaux soucis.
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« Il faisait glacial la nuit dernière. Le meilleur moment de ma journée, c’est quand le matin arrive et que je suis encore en vie. J’aimerais voir mes enfants et mes petits-enfants. Ils ne savent pas où je suis. Si ma mère me voyait ici, elle aurait une crise cardiaque. »
« M. Bogusław, nous vous sortons d’ici. Posez cette bière et n’en ouvrez pas une autre. Nous vous emmènerons en cure de désintoxication, vous nettoierons et vous réchaufferont, puis nous retrouverons vos petits-enfants. »
« Oui, j’aimerais bien. J’en rêve. Quand partons-nous ? »
« Demain. À 13 heures. Vous devez être sobre. »
« Je le serai. Je vous le promets. »
Bogusław a eu de nombreuses occasions d’accepter de l’aide. Il ne l’a jamais fait. Mais nous le tenons par sa parole. Nous reviendrons demain.
Kasia, Sławek et Bogusław ont chacun reçu de notre part des sacs de couchage chauds, des couvertures, des bottes, des bonnets et des gants. Nous leur avons donné un repas chaud. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour nous assurer que le froid ne les emporte pas pendant la nuit. Nous nous battons pour qu’ils aient le temps nécessaire pour tenir leurs promesses, pour se dégriser et pour retrouver un jour leurs enfants et petits-enfants.
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