C’est un peu comme conduire un rover sur une autre planète. Je ne sais pas lequel. Chaud, sablonneux, dur et injuste. 90 % de la Mauritanie n’est que du sable du désert. La poussière flotte dans l’air depuis une bonne semaine. Nous ne pouvons pas voir le ciel. Tout est en sépia, une seule teinte fixe qui pénètre dans les yeux, mord la peau, irrite le nez.
Si le monde s’arrête quelque part, nous en sommes très proches.
« La République islamique de Mauritanie a la religion inscrite dans sa constitution. Il n’y a pas de chrétiens parmi les Mauritaniens. Tout le monde pratique l’islam », explique Mgr Martin Happe, évêque de Nouakchott. A côté de lui est assis le Père Victor, l’évêque élu, qui recevra l’ordination épiscopale en avril et remplacera Mgr Happe, sortant.
La mission catholique dans ce pays consiste simplement et entièrement à être présent, à s’engager dans des projets sociaux. Toute forme d’évangélisation violerait les droits inscrits dans la constitution.
Nous dînons ensemble. Dans une maison modeste, qui ne ressemble pas à une résidence épiscopale. Le père Happe met la table, il nous gronde quand nous nous levons pour aider. « Tu pourras faire ça quand je viendrai chez toi. » Nous parlons de la façon dont la gentillesse engendre la gentillesse, le respect engendre le respect, qu’il faut écouter pour être entendu et que ce sont les principes les plus importants qui permettent à une poignée de chrétiens d’autres pays d’être ici.
Mgr Happe, sœur Ewa et les missionnaires d’Atar et de Kaédi nous font découvrir la Mauritanie. Nous ne changerons pas les coutumes et la culture car, en Mauritanie, elles sont plus que sacrées. Nous ne résoudrons pas les problèmes, nous ne remédierons pas à l’injustice. Nous sommes seulement autorisés à être ici, à écouter et à panser nos blessures. Pour nous, cela signifie « seulement ». Pour le peuple mauritanien, cela signifie donc « seulement » sauver la vie d’un autre enfant qui, sans notre présence ici, mourrait de faim.