Tenant à la main un morceau de papier sur lequel est vaguement écrite une adresse, Martine qui a dix ans, a pour la première fois l’impression de perdre prise. Elle le tend au conducteur du car rapide jaune et est soulagée de le voir acquiescer. Il semble savoir où il doit l’emmener. Martine n’en a aucune idée. Tout ce qu’elle sait, c’est qu’elle doit retrouver son oncle et que plus rien ne sera plus pareil.
La fille ressentira cela plusieurs fois, mais ce dont elle se souvient le mieux, c’est ce jour où elle n’a pas pu lire la posologie du médicament. C’était pour ce cher oncle qui l’avait accueillie à Dakar alors que la famille la plus proche n’avait pas un sou à se partager. Des mots indéchiffrables dansent sur l’ordonnance rédigée à la hâte – deux comprimés le matin et le soir ou deux pour toute la journée ? Le cœur de l’oncle peut-il résister à une telle différence ?
Plus de 40% des Sénégalais ne savent ni lire ni écrire. Nous pouvons difficilement imaginer fonctionner dans un monde qui divise les gens en fonction de leur capacité à lire l’alphabet. Ceux qui ne peuvent pas le faire ne peuvent travailler que dans les champs. Ils ne peuvent pas rédiger une demande d’emploi. Ils ne se débrouilleront pas avec un ordinateur. Ils ne peuvent pas acheter de lait pour leur bébé sans aide.
Mais Martine, qui a grandi dans la bouillonnante ville de Dakar, refuse d’accepter un tel sort. Non pas parce qu’elle ne veut pas travailler, bien au contraire. Mais pour sa famille, elle veut quelque chose de mieux, alors elle cherche son opportunité. C’est ainsi qu’elle rencontre sœur Eve qui, voyant sa détermination, sait tout de suite qu’investir dans l’éducation de Martine est une bonne décision. C’est même une nécessité.
Martine, lettre par lettre, heure par heure, peine à rattraper ce qui pour certains occupe une grande partie de leur enfance. C’est ainsi que s’écoulent deux ans.
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Samedi, Martine et 53 étudiants ont reçu leur diplôme de fin d’études. Deux années intensives d’alphabétisation et de formation en couture, cuisine et garde d’enfants. Il a fallu deux personnes pour que cela soit un succès : vous, qui nous avez accordé votre confiance en faisant un don pour les journées d’éducation des filles au Sénégal. Et Martine, qui n’a manqué aucun cours. Elle savait qu’une telle opportunité ne se reproduirait pas.
Aujourd’hui, son diplôme à la main, elle sourit jusqu’aux oreilles. Tout ira bien et, surtout, elle l’a bien mérité.
Merci pour chaque chance donnée à Martine, mesurée en jours où vous avez cru en elle. Depuis le début de l’année, vous avez fait don de 94 journées de ce type, soit la moitié de l’année scolaire. S’il vous plaît, aidez-nous à donner l’autre moitié aux écolières qui commencent tout juste leur voyage !